InformationsPublié le 4 décembre 2024

La CI, partie intégrante de la politique de sécurité suisse

La sécurité de la Suisse dépend de la résolution de problèmes mondiaux.  Pour cette raison, la Suisse a une conception globale de la sécurité, qui dépasse la dimension militaire. Elle réduit ses risques sécuritaires en s’appuyant sur la coopération internationale, notamment dans les domaines du changement climatique, de l’interdépendance économique, de la santé mondiale, de l’extrémisme, de la migration et des déplacements forcés, et du multilatéralisme.

Les progrès mondiaux en matière de développement sont essentiels pour la sécurité de la Suisse. — © Créé avec ChatGPT, pictogrammes d'OCHA

L’importance des objectifs de développement communs pour la sécurité est explicitement soulignée dans l’Agenda 2030 pour le développement durable des États membres de l’ONU: «il ne saurait y avoir de développement durable sans paix et sans sécurité; et inversement, sans développement durable, la paix et la sécurité sont en danger». [Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (2015)]

La détérioration de la situation en matière de sécurité à l’échelle planétaire tient en grande partie à la stagnation, voire à la régression, enregistrée en matière de développement durable, par exemple dans les domaines de la pauvreté, de la faim, de l’éducation, de la croissance économique, du climat et de la biodiversité ou de la paix. L’insécurité et l’instabilité entravent à leur tour le développement durable. Ce cercle vicieux a un impact direct sur la sécurité de la Suisse à moyen et long termes.

• Une définition large de la sécurité dans la politique extérieure

  La stratégie de politique extérieure 2024-2027 souligne que la multiplication des crises et la remise en cause du cadre normatif international ont un impact direct sur la sécurité et l’indépendance de la Suisse. Elle relève en outre que la paix et la sécurité, conditions indispensables à la prospérité et au développement durable, affectent les intérêts de la Suisse. La Suisse a par conséquent une conception globale de la sécurité, qui dépasse la dimension militaire.

  Dans sa stratégie de coopération internationale 2025-2028, le Conseil fédéral suit la même logique et souligne l’influence directe de la sécurité et de la stabilité internationales sur la prospérité de la Suisse. Le mandat constitutionnel de la coopération internationale (CI) établit un lien direct entre les intérêts de la Suisse et ses objectifs: «la Confédération s’attache à préserver l’indépendance et la prospérité de la Suisse ; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu’à promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles» [Art. 54, al. 2, Cst.]

Au cours des dernières décennies, des progrès considérables ont été réalisés en matière de développement durable, notamment dans les domaines de la pauvreté, de la santé et de l’éducation. Mais ces progrès sont aujourd’hui menacés: 16 % seulement des cibles des Objectifs de développement durable sont actuellement en bonne voie. Les progrès sont en outre très variables, et l’écart entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres se creuse [Rapport 2024 sur le développement durable (anglais)], principalement en raison de la plus grande vulnérabilité de ces derniers face à la multiplication des crises, comme le changement climatique, la pandémie de COVID-19 et l’augmentation des conflits violents.

Risques pour la sécurité et réponse de la Suisse

Ces développements ont une influence directe sur la situation sécuritaire à travers le monde et sur la sécurité de la Suisse. Avec la CI, à savoir la coopération au développement, l’aide humanitaire et la promotion de la paix, la Suisse dispose d’instruments pour réduire les risques dans différents domaines:

Changement climatique et phénomènes météorologiques extrêmes

Le changement climatique augmente la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les inondations, les tempêtes ou les sécheresses. L’aspect sécuritaire du changement climatique est également souligné dans la stratégie de politique extérieure. Selon MétéoSuisse, le climat suisse a lui aussi déjà considérablement changé: le temps risque d’être plus extrême avec des étés plus secs, des précipitations plus violentes, davantage de jours tropicaux et des hivers moins enneigés. Dans les régions de montagne, il faut s’attendre à des risques supplémentaires tels que des éboulements et des coulées de boue, ainsi qu’à une perte de biodiversité. Outre ces impacts directs, la Suisse risque aussi d’être affectée par l’instabilité causée par le changement climatique, celui-ci augmentant considérablement les risques de conflit à travers le monde [Hisang, Burke & Miguel (2013)].

• Mesures

  Dans le cadre de la CI, la Suisse soutient l’adaptation aux changements climatiques dans ses pays partenaires, par exemple en partageant son expertise en matière de systèmes d’alerte précoce ou de systèmes agricoles résilients. Elle fournit une aide humanitaire en cas de catastrophe naturelle et mène une initiative pour la gestion transfrontalière de l’eau afin de réduire directement les risques de conflit. Sur le long terme, la Suisse investit par exemple dans les énergies renouvelables et la mobilité verte pour encourager les économies, dont certaines connaissent une croissance rapide, à se développer dans le respect de l’environnement.

Interdépendance économique

Les questions économiques et sécuritaires sont de plus en plus imbriquées. Pauvre en matières premières et fortement tournée vers l’exportation [En 2022, année record, la part des exportations dans le PIB helvétique a atteint environ 77 % (Banque mondiale, 2024), tandis que la part des importations avoisinait 63 % (Banque mondiale, 2024).], la Suisse dépend de partenariats internationaux, d’un ordre international fondé sur des règles et de chaînes d’approvisionnement qui fonctionnent. L’économie suisse est elle aussi impactée par les régressions en matière de développement durable, par exemple en raison des importants problèmes d’approvisionnement [Economiesuisse (2021), Forum économique mondial (2024), Credit Suisse (2022)].

• Mesures

  Dans le cadre de la CI, la Suisse partage son expertise relative aux programmes de formation professionnelle, permet aux petites et moyennes entreprises (PME) d’accéder à des services financiers et à des crédits et crée des emplois locaux. Elle investit dans le secteur privé des pays en développement et des pays émergents par l’intermédiaire de la SIFEM, sa société financière de développement. Elle ouvre ainsi des perspectives et jette les bases de relations économiques. Il s’agit également d’un investissement à long terme dans la diversification économique et la sécurité de la Suisse : certains pays pauvres vont en effet gagner en importance sur le plan économique, en raison de leurs taux de croissance plus élevés [FMI (2024)] et de leur forte croissance démographique [Our World in Data (2024)].

Santé mondiale

La stratégie de politique extérieure de la Suisse établit un lien entre la santé mondiale et la sécurité internationale. Les crises sanitaires mondiales, telles que la pandémie de COVID-19, le démontrent de manière exemplaire. Les scientifiques considèrent que la prévention de futures pandémies ne dépend pas seulement d’une meilleure coordination internationale, mais aussi fortement de la résilience des systèmes de santé nationaux [Par exemple Arush et al. (2022), Assefa et al. (2020)].

• Mesures

  Lors de crises sanitaires comme la pandémie de COVID-19, la Suisse apporte une aide d’urgence, par exemple en contribuant à une initiative multilatérale de distribution de vaccins et de matériel hospitalier. Sur le long terme, elle a par exemple investi dans un fabricant africain de vaccins, par l’intermédiaire de la SIFEM. La Suisse renforce en outre durablement les systèmes de santé des pays partenaires grâce à son expertise.

Extrémisme

Le manque de perspectives est le principal facteur de radicalisation et d’extrémisme violent, un phénomène qui touche également la Suisse. La littérature scientifique mentionne les causes principales suivantes: la discrimination de groupes sociaux, la répression étatique, la pauvreté, le chômage et le manque de formation [Vergani, Iqbal, Ilbahar & Barton (2018)].

• Mesures

  La Suisse est active dans tous ces domaines à travers sa CI. Dans le cadre de la promotion de la paix, elle s’assure par exemple que les groupes de population défavorisés puissent participer aux processus de paix et que leurs droits humains soient respectés. Au niveau étatique, elle soutient les pays partenaires dans les processus de décentralisation et le renforcement des institutions démocratiques. Outre les mesures économiques mentionnées pour réduire la pauvreté, elle investit dans des projets de formation de base et dans l’accès à la formation. Elle œuvre aussi directement à la prévention de l’extrémisme, par exemple au moyen de projets de formation, de réforme du secteur de la sécurité et de resocialisation [Plan d’action de politique étrangère de la Suisse pour la prévention de l’extrémisme violent (2016)].

Migration et déplacements forcés

Les déplacements de population sont souvent la conséquence de lacunes dans la réalisation des objectifs susmentionnés. En même temps, toute forme de migration peut devenir un moteur d’innovation et de croissance économique, et les envois de fonds peuvent aider les pays pauvres. Par ailleurs, la migration involontaire peut rendre les personnes concernées physiquement et psychologiquement vulnérables et les faire basculer dans la pauvreté [Adger, W Neil et al. (2019)].

• Mesures

  La Suisse répond à ces enjeux mondiaux au travers de la CI, en s’attaquant aux causes des déplacements de population et en garantissant la protection des réfugiés dans les pays de premier accueil. Elle exploite en outre le potentiel de la migration en soutenant l’éducation et les perspectives professionnelles dans les pays d’accueil, en encourageant les envois de fonds et les activités économiques des diasporas dans leurs pays d’origine, et en permettant une migration de main-d’œuvre régulière et sûre.

Multilatéralisme

La Suisse mise sur une approche multilatérale efficace et ciblée pour répondre aux enjeux mondiaux. Elle s’engage en faveur d’un ordre mondial fondé sur des règles, dont elle est tributaire en tant que petit pays. Le système d’organisations internationales à Genève joue un rôle déterminant à cet égard. Il contribue directement au PIB suisse à hauteur d’environ 1 % [Étude sur l’impact du secteur international à Genève (2024)] et favorise indirectement la bonne réputation de la Suisse et l’estime dont elle jouit.

• Mesures

  Un peu plus d’un quart des dépenses de la CI sont destinées à des organisations multilatérales, comme le Programme alimentaire mondial, le CICR ou la Banque mondiale. La Suisse contribue ainsi à la résolution commune de problèmes mondiaux, renforçant par là même sa propre sécurité. Avec la présence globale de la CI, elle assoit en outre sa crédibilité dans ses rôles d’État hôte et de prestataire de bons offices. L’élection de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU par 187 voix sur 190 reflète aussi cette crédibilité.

La sécurité de la Suisse est complexe et fortement influencée par les développements internationaux. Avec la coopération internationale, la Suisse dispose d’instruments efficaces et complémentaires, qui ont contribué aux progrès majeurs – mais actuellement menacés – réalisés ces dernières décennies.  Ces progrès sont liés à la sécurité.